Suger est une personnalité du monde médiéval dont il faut saisir la complexité.
Abbé de Saint-Denis au XIIe siècle, régent du royaume durant la deuxième
croisade, initiateur de l'art gothique en France, il fut avant tout un moine
bénédictin, mais aussi un soldat, un historien et un grand serviteur de l'État
capétien. De condition modeste, il entra à dix ans comme oblat à l'abbaye royale
de Saint-Denis et s'identifia très tôt à l'abbaye, dont il dit lui-même qu'elle fut
«sa mère». Remarqué par son abbé, puis par le roi Philippe Ier, pour ses talents
d'orateur et de négociateur, il fut rapidement chargé d'importantes ambassades
en Europe et à la cour pontificale. Gestionnaire des possessions de Saint-Denis,
il dut s'impliquer personnellement dans plusieurs guerres meurtrières, ce dont
il garda toute sa vie le remord. Devenu conseiller et proche du roi Louis VI, il
participa à son gouvernement. Élu abbé de Saint-Denis, il entreprit l'immense
chantier de reconstruction de l'abbatiale en y introduisant des formes nouvelles,
dites «gothiques», fruit de ses nombreux séjours auprès du pape, à Rome
et en Italie du Sud. Rédacteur de la vie de Louis VI le Gros et chroniqueur
des premières années du règne de Louis VII, Suger inaugure l'historiographie
royale des Grandes Chroniques de France. Homme de Dieu, obsédé par l'usure
du temps et de l'oubli, Suger voulut faire de toute son action une «oeuvre plus
durable que le bronze», un témoignage pour l'avenir. Son oeuvre écrite et son
oeuvre bâtie en sont, aujourd'hui encore, le symbole vivant.