Sur les jardins d'Épicure
Homme d'État et diplomate de haut rang, William Temple (1628-99) se retira vers la cinquantaine des affaires publiques pour mieux cultiver son jardin : pour embellir ses domaines et y acclimater les fruits du Continent, mais aussi pour polir une collection d'essais variés qui ferait de lui l'un des grands prosateurs anglais de son temps, à mi-chemin du baroque et du classicisme. Son écriture, rhapsodique mais fluide, brosse ici un autoportrait oblique où la réflexion du moraliste se mêle aux conseils de l'horticulteur et aux conjectures de l'érudit. Texte-jardin qui, comme il se doit, ménage de discrètes surprises : cette moderne apologie de 1'otium cum dignitate, qui ne serait pas sans influence sur la civilisation du XVIIIe siècle, recèle encore la nostalgie des démesures antiques, le désir de perfections inouïes. Dans les vergers de l'imagination, les poires et les cerises de la campagne anglaise ne sont pas très loin des jardins suspendus de Sémiramis et des fruits d'or des Hespérides.