Une crise de l'objet s'ouvre quand les marchandises et les artefacts marqués au
poinçon de l'utilité envahissent et façonnent la société. Marcel Duchamp réplique
au « tout fait » par l'élection ironique du ready-made. Les surréalistes procèdent
autrement. Ils donnent vie à l'objet à travers une rafale d'actions, d'inventions et
de détournements : objets volés, objet-mannequin, objet onirique, boules de neige,
objets trouvés, objets à fonctionnement symbolique, poème-objet, etc. Pour eux,
l'imaginaire tend à devenir réel. Et ce n'est pas en vain que le rêve rencontre la
veille, que le désir croise le hasard. Le merveilleux peut advenir et se concrétiser.
Emmanuel Guigon et Georges Sebbag montrent à travers ce feuilleton de l'objet
surréaliste comment les poètes Aragon, Breton ou Crevel, les artistes Bellmer,
Cornell, Dali, Giacometti ou Paalen ont proposé de nouveaux agencements ou de
nouvelles connexions entre les jeux, les fétiches, les modèles mathématiques,
l'art brut, la morphogenèse et les trouvailles surréalistes. La problématique de
l'objet surréaliste conduit aussi à s'interroger sur les équipements ou les appareils
de nos sociétés numérisées et technicisées.