«Derrière elle Tante Rosa a laissé une lettre, elle a laissé trois
gamins, dont l'un encore au sein, elle a laissé la bonne à qui
elle avait appris à préparer oies rôties et gâteaux aux pommes, à
amidonner les nappes pour les repas et à ranger les armoires. Elle a
laissé le petit jardin semé de marguerites, la maison à l'escalier de
bois, haute de plafond, avec le réveille-matin, elle a laissé l'époux qui
allait tous les dimanches matin à l'église et lui sautait dessus tous les
dimanches après-midi, elle a laissé les voisines chapeautées et leurs
gamins morveux, elle a laissé leurs époux et leurs vies elles aussi
remplies d'oies rôties, elle a laissé l'église, elle a laissé les tintements
de cloches, les flots de l'orgue, les chants de Noël, elle a laissé son
sein gauche comblant le carreau brisé par la boule de neige d'un
gamin au retour de l'église, son sein gauche qui recouvrait son coeur
d'une couche de graisse.
Elle est partie.»