Connaissance du passé, conscience du présent et prescience de l'avenir
investissent l'art ordinaire d'habiter le temps. La Clepsydre I étudiait la
restitution du passé dans les décomptes qui, dans l'entrelacs du temps
des nations, agencent un temps proprement juif.
Dans La Clepsydre II, Sylvie Anne Goldberg présente la normalisation
de cette temporalité. Réunies pour la première fois sous la bannière du
califat, Jérusalem et Bagdad, les deux pôles de rayonnement du
judaïsme, s'affrontent pour la prédominance de leurs traditions sur les
mondes juifs. Le principal enjeu du conflit porte sur la primauté à
accorder à la loi orale ou à la légitimité de la loi biblique ; il renvoie à une
question de temps : rester dans le passé ou accepter les mutations du
présent ?
Premier théologien juif, le gaon Sa'adia fonde le judaïsme rabbinique
en mode de vie absolu. L'entreprise rencontre un mouvement plus large :
à partir de la fin du VIIIe siècle, les trois religions monothéistes érigent en
système la domination d'un temps mathématisé et théologisé, imposant
aux fidèles leur registre spécifique. Cette domination de l'individu par le
temps se traduit par l'émergence de rituels quotidiens, mais aussi par une
réappropriation de l'histoire et de la fonction du passé dans le présent.