The Press
Le Placard
Dans un espace carcéral indéfini, camp de concentration ou prison ultra-moderne, qui est aussi un chantier de construction, deux prisonniers, Ancel et Gruber, se tuent au travail. Ils bâtissent le futur Palais de la Culture à la gloire du Boss, le dictateur d'un régime sanguinaire dont Ancel fut jadis le poète officiel, avant d'en découvrir toute l'horreur et d'entrer en résistance. Quant à Gruber, peintre prolétaire, il fut un dissident de la première heure, et continue à protester depuis sa prison en peignant le chaos ambiant de tous ses fluides corporels. Le huis clos entre les deux hommes est interrompu par les visites des émissaires du Boss - Feck, le gardien de prison sadique, Petra, la fille du Boss et ancienne maîtresse d'Ancel, et Hamm et Sham, les deux clowns grotesques qui furent jadis ses élèves avant de vendre leur âme au Boss - qui se succèdent auprès d'Ancel pour le convaincre de renoncer à sa posture de résistance : il suffirait qu'il écrive un seul poème à la gloire du Boss pour sortir de prison. La pièce se souvient de la montée des totalitarismes et des grands cataclysmes humains du XXe siècle, mais aussi, obliquement, de l'attitude intraitable du pouvoir britannique face au combat des prisonniers républicains irlandais au début des années 1980. Allégorie tragique et burlesque sur la responsabilité de l'artiste face au pouvoir, elle s'inscrit dans la grande tradition du théâtre irlandais, à la suite de W.B. Yeats et de Samuel Beckett, mais invente un langage dramaturgique singulier et éminemment contemporain en détournant les codes du réalisme.