«L'intérêt de Pichon-Rivière pour la psychanalyse est lié en grande
partie à son propre deuil culturel et à son contact avec cet "autre
monde" qu'est la mémoire inconsciente (Isidore Ducasse, objet de sa
passion, se faisait appeler "Lautréamont" qui peut s'entendre, phonétiquement,
comme "l'autre monde"). C'est dans cet "autre Nouveau
Monde" qu'était l'Argentine, dans "l'inconscient de ses forêts" et dans
la forêt vivante qu'était Buenos Aires, qu'il découvre la psychanalyse.
«Enrique Pichon-Rivière a très tôt manifesté le désir de "trouver" le
secret de la vie et de la mort. Non pas à travers l'ouverture des
"anciens cercueils solitaires" (son côté nostalgique), mais à travers les
espaces inconnus qu'il retrouvera en côtoyant le monde de la folie.[...]
Il se représente le phénomène de recherche psychanalytique, dans le
transfert, comme une descente au coeur de l'abîme infini de l'espace
qui sépare et lie en même temps le patient et l'analyste. Dans cette spirale
en mouvement, c'est l'analyste qui se découvre artiste avec le côté
créatif du patient. Ainsi entre chaos et cosmos, la dialectique psychanalytique
se manifeste sous toutes ses facettes : trame ou texture où
les liens se perdent et se retrouvent à travers d'inévitables péripéties.
La psychanalyse étant un art pour lui, l'objet esthétique devient un élément
constitutif de l'art d'écouter avec "tous les sens".[...]
«Le schéma de référence de Pichon-Rivière est, pour moi, une figure
ouverte qui doit s'adapter à la personnalité de chacun ; c'était là mon
expérience en tant qu'élève et ami, et c'est ce dont j'ai voulu témoigner
par cette préface à un livre qui parle de lui-même.» Salomon Resnik