Face à la diversité et à la complexification des modes
de formalisation, une épistémologie des méthodes
scientifiques doit confronter directement ses analyses à
une pluralité d'études de cas comparatives. C'est l'objectif de cet ouvrage.
Aussi, dans une première partie, propose-t-il d'abord
une classification large et raisonnée des différentes
fonctions de connaissance des théories, des modèles et
des simulations (de fait, cette partie constitue un panorama d'épistémologie générale particulièrement poussé). C'est ensuite à la lumière de cette classification que
les deux parties centrales analysent et distinguent les
assises conceptuelles et épistémologiques des principaux types de formalisation en géographie avant et
après l'ordinateur (théories des localisations, modèles
gravitaires, loi rang-taille). En employant toujours la
même méthode analytique et comparative, la dernière
partie se concentre sur l'explication épistémologique
des trois révolutions computationnelles récentes : l'analyse des données, la présentation des données et enfin
l'analyse par simulation computationnelle.
Au travers de cette enquête approfondie, la géographie apparaît non seulement comme une discipline
carrefour, ayant pour cela donné des exemples de
presque tous les types de modèles scientifiques, mais
aussi comme une science innovante en termes épistémologiques. Car ce qui a d'abord été pour elle un frein
à la formalisation - sa sensibilité au caractère multifactoriel comme à la dimension irréductiblement spatiale
des phénomènes sociaux - et qui l'obligea longtemps
à inféoder ses théories et modèles à des disciplines
plus aisément formalisables comme la géomorphologie, l'économie, la sociologie, la démographie, ou bien
encore la thermodynamique et la théorie des systèmes,
devient aujourd'hui un atout dès lors que, parmi les
sciences humaines et sociales, elle peut développer
une épistémologie non seulement pluraliste mais aussi
combinatoire et intégrative.