Tito, amor mijo, paru en 2005,
est tout à la fois un roman
d'apprentissage, un roman
d'amour et un roman d'histoire.
Entouré d'adultes dont il essaie
de comprendre les contradictions,
imprégné de noirs récits liés
à la Seconde Guerre mondiale
encore très proche - nous sommes
à Trieste à la fin des années
soixante -, le jeune narrateur pose
des questions qui ne sont jamais
innocentes. Son regard, parfois
cruel, est cependant toujours
empreint d'une grande poésie.
«Cher ange gardien, fais que toutes les pharmacies
manquent de vicks, parce que maman m'en badigeonne
le dos et la poitrine tous les soirs. Elle croit que le vicks
va chasser l'ombre qui est sur mes poumons. Je veux que
l'ombre qui est sur mes poumons reste dessus parce que
comme ça je verrai de nouveau Alina à Laze, près de la
rivière qu'on appelle tout bas Nediza. Fais que madame
Slapnik m'apprenne à bien parler le slovène. Elle, elle sait,
parce qu'elle est arrivée avec son mari de Yougoslavie. J'ai
peur de son mari, parce que oncle Albert dit qu'il a du sang
sur les mains. Fais que je comprenne pourquoi il a du sang
sur les mains et que je n'en aie plus peur. Fais que je puisse
participer à l'excursion qu'organise l'école pour que je
puisse voir la République de Slovénie, dont tout le monde dit
que c'est ma patrie. Une petite patrie dans la grande patrie
de la République socialiste fédérative de Yougoslavie. Fais
que je comprenne ce qu'est la patrie parce que oncle Albert
dit que notre patrie, c'est toute la Yougoslavie, alors que
madame Slapnik dit que notre patrie, c'est seulement la
Slovénie, et maman dit que nous sommes des Slovènes qui
vivons en Italie et que nous avons deux présidents, monsieur
Saragat et le maréchal Tito, qui n'est pas un monsieur
mais un camarade. Oh, que je n'oublie pas : fais que je
comprenne qui est ce monsieur avec un grand chapeau de
paille que je n'avais jamais vu avant et qui se tient toujours
près du kiosque à journaux. Pourquoi ? Amen.
J'éteins la lampe et, dans mes pensées, je vois la mer, qui
est là-bas, de l'autre côté de la colline. Bleue et profonde.»