Peut-on qualifier Tolkien d'« auteur catholique », comme certains sont tentés de le faire ? Converti par sa mère au catholicisme, Tolkien resta toute sa vie un fidèle pieux et pratiquant, mais plutôt conservateur. Enracinée au coeur de sa vie privée, la religion l'est aussi au sein du groupe des Inklings, dans lequel Tolkien joua un rôle clé et qu'animait son meilleur ami, C.S. Lewis, universitaire connu pour ses livres de théologie populaire. De même, elle l'est dans la carrière universitaire du créateur de la Terre du Milieu, dans les textes du Moyen Âge, chrétiens, païens, ou mixtes, dont il était spécialiste et où il puisa en grande partie son inspiration.
Mais les romans de Tolkien, d'où le terme Dieu est écarté, véhiculent-ils une spiritualité définie ? Cet essai explore la mythologie de l'auteur, non seulement dans les deux romans publiés de son vivant (Le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux), mais aussi à travers l'ensemble de légendes, Le Silmarillion et L'Histoire de la Terre du Milieu, sur lequel il travaillait incessamment, sans pouvoir l'achever de manière satisfaisante. À des degrés divers, difficiles à cerner originellement, mais plus accentués vers la fin de la vie de l'écrivain, les thèmes du mythe, de la religion et de la spiritualité ne cessent d'être présents dans cette oeuvre vaste.
Tolkien « auteur catholique » ? Leo Carruthers souligne l'aspect neutre d'une mythologie fidèle à sa logique interne, une préhistoire humaine placée dans un temps indéfini, où l'on ressent toutefois « une sorte de foi, comme une lampe invisible ».