Extrait
« Mayotte, dans un village de brousse
Extérieur jour
À cette époque-là, je viens de fêter mon dixième anniversaire. Nous sommes en septembre. Quelques jours plus tard, un porte-conteneurs fauche papa dans un virage. Il a 43 ans. Ma tante qui habite à la Réunion, arrive en catastrophe à Mayotte.
Moi, qui ne me sépare jamais de papa, je me retrouve orpheline du jour au lendemain. Il y a aussi mes deux frères aînés qui sont déjà au lycée et mes deux petites soeurs. Cette disparition prématurée m'est insupportable à telle enseigne que je vis cloîtrée dans la chambre de maman. (...) Afin de me soustraire de cette ambiance chronique de deuil, un jour je surprends une conversation qui allait marquer ma vie au fer rouge, à jamais. »
« Peut-il y avoir une similitude entre une vieille voiture et une jeune fille violée ?
Oui.
Les deux sont démontées par des mains crasseuses qui fouillent dans leur intimité la plus profonde. En toute impunité. Souvent au vu et au su de tous.
Mais la différence est que la voiture est remontée, réparée : elle revit ; tandis que la fillette reste démantelée, démembrée, anéantie pour la vie.
Nassur Attoumani, ce virtuose de la métaphore, nous entraîne dans des espaces jamais explorés de la souffrance humaine. Avec une précision chirurgicale et sans complaisance son scalpel nous fraie un chemin sans détour vers des béances dont tout cri est étouffé. »