Voici un livre fait de huit recueils de poèmes successifs, dont deux ont déjà paru et les autres sont inédits, écrits en huit années consécutives. Cette publication a une double importance : elle nous permet d'apprécier la valeur d'un poète novateur de notre temps, dans toute la force de l'âge, en pleine disposition de ses moyens créateurs ; et à travers lui, elle nous montre l'état de la poésie française au début du XXIe siècle, dont Christophe Dauphin représente l'expression la plus avancée, qu'on pourrait même qualifier de révolutionnaire si on la comparait à la fausse avant-garde ou aux ressassements passéistes que d'autres pratiquent par ailleurs. J'ai été l'ami à vingt ans de « l'apoète » de l'après-guerre, Henri Pichette, qui déclarait dans ses Apoèmes : « J'écris avec des mots qui boxent ». Dès que Christophe Dauphin m'envoya en 1996, l'année où nous fîmes connaissance, son recueil Les Vignes de l'ombre, j'eus l'impression que lui aussi il boxait impétueusement au moyen des mots, en égalant Pichette, et qu'il était même le seul à le faire parmi les nouveaux venus. Christophe Dauphin écrit des poèmes comme on élève des barricades, pour défendre contre les envahisseurs barbares la cité des rêves. Il frappe fort, en tordant le cou au lyrisme afin d'obtenir des effets plus grands.
Sarane Alexandrian