Justine est née une deuxième fois à l'âge de cinq ans, au sortir
d'un coma qui l'a laissée amnésique. Dans la poussière et le
vacarme du Caire, pour l'aider à reconstituer ses souvenirs,
elle ne peut pas compter sur son père, qui préfère lui réciter en
français des versets des Evangiles, pleurer des siècles plus tard la
chute de l'empire chrétien d'Orient, et qui refuse, que ce soit en
français ou en arabe, de prononcer certains mots, parmi lesquels
«mère» et «Liban» - leur pays d'origine.
Justine devra combler elle-même les blancs du langage paternel,
qui sont aussi ceux de son existence. Cette mère dont l'absence
prend tant de place, ce pays ravagé autrefois berceau de tant
d'espoirs. Ainsi mesurera-t-elle, comme en écho à ses propres
aspirations à la liberté, combien d'illusions brisées jalonnent
l'histoire du Moyen-Orient.
Des rêves d'émancipation aux violences les plus absurdes, de la
Grande Syrie laïque d'Antoun Saadé aux ruines de Beyrouth, il
lui faudra découvrir ce que les armes et les ceintures d'explosifs
auront coûté à sa propre enfance pour espérer trouver un jour
sa place dans le chaos du monde.