Durant une dizaine d'années, de 1993 jusqu'en 2002, William T. Vollmann a
beaucoup séjourné en Afrique et dans le monde musulman.
À Madagascar, il s'est mêlé aux populations les plus miséreuses. En Malaysia,
comme en République du Congo et dans l'ancien Zaïre, il a côtoyé les insurgés
et séparatistes de tout bord. En Somalie, il s'est embarqué avec les Marines.
Et en Irak, en Afghanistan ou au Yémen - où il s'est rendu au lendemain des
attentats du 11 septembre - William Vollmann a approché, du plus près qu'il
l'a pu, la réalité et les causes de la haine de l'Amérique.
L'auteur de Gomorra, Roberto Saviano, écrit : «Vollmann raconte ce que sont
l'Histoire et l'humanité, et sonde tous les aspects de cette dernière. Rien de ce
qui est humain ne lui est étranger. Dans ses livres-reportages, il est là, enfoncé
dans la réalité qu'il explore. Raconter la misère de l'homme, la toxicomanie,
la prostitution, l'exploitation farouche ne signifie pas être attiré par l'abjection,
ou exalter la dégradation. C'est voir son propre temps plus clairement et
rechercher dans les traces du présent, tel un archéologue, les sédimentations
du passé, là où l'homme demeure identique à lui-même, dans sa soif de pouvoir,
de sang, de conquête.»
Le Livre des violences - sur un autre versant de la
même démarche - explorait la violence dans l'Histoire.
Traduite en français en 2009, cette somme a été un
considérable événement éditorial et critique.
Tout le monde aime les Américains et autres enquêtes
en Afrique et dans le monde musulman s'inscrit, après
Le Roi de l'Opium et autres enquêtes en Asie du Sud-Est,
dans la série des volumes consacrés aux reportages que
William Vollmann a menés sur le terrain, partout dans le monde.
Ces textes impressionnent autant par la profondeur de leurs vues et leur puissance
d'expression que par l'engagement de l'auteur. S'il a vécu les situations
qu'il nous raconte (à la première personne), Vollmann donne surtout la parole
aux protagonistes eux-mêmes - qu'ils soient victimes ou bourreaux. Il fait
entendre leurs récits, leurs justifications. Et ce faisant apparaissent des vérités
dont seule la littérature, portée à ce niveau d'humanité et d'empathie, peut
rendre compte.