« Tout s'allume, une bande dessinée dangereuse, parce qu'elle peut donner des idées. »
Wolinski
Entre 1970 et 1972, dans les pages de Politique hebdo puis de Charlie mensuel, Gébé publie L'An 01 (« On arrête tout, on réfléchit, et c'est pas triste »), l'utopie la plus marquante (et la plus marrante) apparue en France au cours de cette décennie. Née des espoirs soulevés par mai 1968, elle donnera lieu à un film culte coréalisé par Jacques Doillon, Jean Rouch et Alain Resnais en 1973.
Six ans plus tard, cet élan utopique semble brisé. À l'été 1979, dans Charlie hebdo, Gébé récidive en publiant Tout s'allume, post-scriptum lucide à L'An 01, fiction « encéphalo-politique » sur les possibilités encore existantes de changer la société, de faire plier le pouvoir par le refus d'hommes éclairés de participer à un système de plus en plus aliénant.
Avec plus de trente ans d'avance, cet appel à la révolte radical (mais non dénué d'humour) fait écho à nombre de mouvements contestataires actuels. Oeuvre surprenante de forme mixte, « film à faire », mi-bande dessinée, mi-texte, Tout s'allume est ici publié en livre pour la première fois.
« Bon ! Ce qu'on veut, là, tout de suite, c'est, avec nos poumons immenses, ne pas crever asphyxiés. Premièrement, nous ne voulons plus participer aux aberrations collectives. Un exemple - c'est un des plus gros : impôts décidés et gérés par nous, compte tenu des besoins des organismes jugés par nous d'utilité publique. Il est probable que l'armée pourra se brosser. Autre exemple - mineur celui-là : le président parle à la télé. Nous exigeons de pouvoir faire suivre son discours d'une analyse qualitative relative et quantitative absolue qui soit autre chose que les commentaires fouille-mots des journalistes. L'utilité de ça ? D'abord éviter aux conscients évolués de crever de rage impuissante. On voit plus large que ceux qui parlent. On entend plus large que la majorité de ceux qui écoutent, alors, merde ! On veut se manifester. Pas couper la parole ni imposer le silence, mais faire entendre le son de la matière vivante dans l'état actuel de son organisation la plus perfectionnée. On veut que l'idée raisonnable d'une vie consciente, cohérente et intelligemment orientée se diffuse dès maintenant. »