Trahisons de la mémoire
Après la mort de son père, assassiné par un tueur à gages à la solde
des ennemis de la démocratie, Héctor Abad entreprend une longue,
patiente et minutieuse enquête pour remonter aux origines du texte qu'il
a découvert dans la poche du défunt docteur Abad, un poème de Borges
dont l'authenticité est mise en doute. Il s'immerge ainsi, au rythme de
déambulations géographiques et littéraires, dans la genèse du sonnet
et en ses différentes versions qui finissent par se multiplier de manière
vertigineuse, versions inédites et apocryphes se confondant. Héctor
Abad tente ainsi de bâtir une mémoire et d'y trouver sa place.
Mais qu'est-ce que la mémoire sinon une forme de l'imaginaire, comme
l'écrit Borges ? Les récits autobiographiques qui composent ce livre ont
cette consistance mixte : soit la patiente reconstruction par indices d'un
passé qu'on ne se rappelle plus bien, soit l'étonnement devant un futur
qui nous échappera peut-être à jamais. Partagé entre l'immémoire et la
floraison d'autres « moi », entre son malaise existentiel et la multiplicité
des possibles, Héctor Abad, dans le sillage du père tant aimé dont il a
hérité l'exigence de justice, l'honnêteté, la tendresse et l'émotion, est
toujours en quête d'une vérité supérieure. Celle-là même qui fonde la
littérature.
« La mémoire des livres rejoint toujours celle du coeur. Héctor Abad a ainsi publié
Trahisons de la mémoire, un formidable appendice à son autobiographie familiale.
Le résultat est un modèle (non reproductible) d'archéologie littéraire et affective. »
Philippe Lançon, Libération