En 1842, Pierre Roux, paisible commerçant de Genève, a une vision :
Dieu est une pile omnipuissante universelle. Dans cet essai de 1857, il
développe sa pensée hallucinée, où science et religion se mêlent dans des
noces contre nature.
Le nom de Pierre Roux circule depuis longtemps dans le champ de ceux
qui se sont intéressés aux dits «fous littéraires», dont il fournirait un
exemple accompli ; et l'on sait l'intérêt particulier que lui porta Queneau
dans Les Enfants du limon, ou dans Aux confins des ténèbres. Mais
qui, hors ceux-là, a vraiment ouvert le Traité de la science de Dieu ?
Ce livre, d'ailleurs, le fut-il jamais à sa pleine extension ?
Pierre Roux, dans ce Traité, s'engage à rien moins que d'expliquer à la
face de tous - dans un style auquel ne manque nulle part l'énergie de
l'enthousiaste et de l'habité - les lois véritables et magnétiques qui régissent
l'univers. On lira ainsi, dans un exposé qui tient autant du vrac
que du système, comment distinguer les injections des excrétions ou les
aliments purs des aliments impurs, quel jeu de boules oppose Dieu et le
diable, comment évaluer les évolutions militaires des molécules ou
contrer la chaîne des forbans - mais aussi comment construire une pile
électrique omnipuissante, des locomotives aériennes ou des soleils ambulants
et factices.
«Combien de milliers de nuits ont été passées en partie ou en entier, à la rigueur du froid,
à demi assis sur notre lit, pour écrire les pensées sublimes que le télégraphe céleste venait
imprimer sur le clavecin de notre coeur, et de là sur le mémorandum de notre cerveau !
Que de calculs inouïs et d'élucubrations profondes il nous a fallu faire pour lier ensemble
toutes nos lectures, toutes nos observations, toutes nos expériences et toutes ces pensées
détachées ! Que de privations de tout genre, que de jours passés sans manger, que de mois
et d'années de douleurs, à la suite d'accidents de tout genre arrivés dans nos nombreuses
expériences sur notre corps, et par le genre de vie contraire à notre santé que nous avons
été obligé de mener !»