De la naissance du parti socialiste
en 1905 jusqu'au sulfureux congrès de
Rennes de 1990, les socialistes filèrent
le mauvais coton du mythe de la révolution.
C'est avec discrétion qu'ils
abandonnèrent cette identité révolutionnaire
pour y substituer une nouvelle
«déclaration de principes», une pensée molle et des querelles
de personnes à foison.
Pendant près d'un siècle, l'autre tradition, celle d'un socialisme
républicain forgé par les socialistes utopiques, puis par Jaurès,
féconda les valeurs solidaires de l'économie sociale (coopératives,
mutuelles et associations). Nées au mitan du XIXe siècle
au sein des populations ouvrières, en riposte à l'individualisme
libéral de la Révolution de 1789 et au système de production
capitaliste, ce socialisme coopératif et mutuelliste fut d'abord
considéré comme un vecteur d'émancipation exemplaire avant
d'être rapidement escamoté par les imprécateurs marxistes tout
en gueule pour en dénoncer «la voie mensongère».
Le Traité d'économie sociale à l'usage des malentendants rappelle
l'itinéraire historique de cette tradition socialiste et républicaine.
Ce livre dévoile l'enchantement de Michel Rocard
pour l'économie sociale, le scepticisme de Martine Aubry, l'intérêt
militant des Verts pour l'économie sociale et solidaire, mais
aussi l'indifférence du candidat Lionel Jospin qui n'en souffla
mot dans son programme présidentiel en 2002.
Ce sont les valeurs de solidarité de cette économie sociale
que le lecteur découvrira dans l'Encre de la révolte qui retrace
l'expérience militante de typographes parisiens qui créèrent,
sous le second Empire, une association ouvrière désignée comme
le «plus bel exemple de socialisme pratique». Et de quoi
nous parlent ces typographes ? De propriété collective, d'égalité,
de justice sociale, de solidarité, c'est-à-dire de valeurs qui
interrogent notre époque.
Vaincue par le marxisme à la fin du XIXe siècle, cette tradition
du socialisme républicain, qui lie éthique et économie, n'est-elle
pas aujourd'hui destinée à lui survivre ?