À l'époque où l'esclavage s'impose dans les îles françaises des Antilles, le travail devient, dans les sociétés européennes, un élément constitutif de l'avènement de la modernité capitaliste dans les sociétés occidentales. Bien qu'étroitement articulé au système économique européen, le système esclavagiste paraît s'opposer à cette mise en gloire du travail.
C'est ce paradoxe que l'ouvrage de Caroline Oudin-Bastide s'efforce d'explorer. Mobilisant une documentation impressionnante (ouvrages esclavagistes et abolitionnistes, correspondance administrative et textes littéraires), elle montre que les planteurs esclavagistes des Antilles françaises, installés dans la consommation ostentatoire, s'adonnant au jeu et aux plaisirs, cultivant l'oisiveté, ne partagèrent pas l'«esprit du capitalisme» propre, selon Max Weber, à la bourgeoisie montante. Elle analyse par ailleurs très finement le rapport au travail des esclaves, généralement contraints à la forme la plus extrême et la plus inhumaine de travail pour autrui. En étudiant les modalités du travail servile, de sa division et de ses statuts, comme de ses pratiques quotidiennes, Caroline Oudin-Bastide offre une contribution importante à la sociologie du système esclavagiste, qui se caractérise avant tout par sa logique de dévalorisation du travail, d'autant plus grande qu'elle fut constamment associée à la violence, considérée comme l'unique moyen de vaincre la «paresse naturelle» de l'esclave.
Au carrefour de l'histoire économique et de l'anthropologie historique, cet ouvrage dresse un portrait original et saisissant de la société esclavagiste des Antilles françaises.
En couverture: gravure de Regina.