Travail dissimulé et estime de soi
Une sociologie du rapport moral face aux règles formelles
Dans le but de mieux comprendre le recours au travail dissimulé - communément appelé travail au noir - par des personnes qui disposent de toutes les autorisations nécessaires, ce livre approfondit le rapport que celles-là entretiennent face au Droit et à l'État. Loin de se réduire à une stratégie rationnelle de fraude économique, le travail au noir s'explique davantage par la saisie d'opportunités de rémunération, qui s'avèrent finalement non déclarées et donc illégales. Or, si les personnes acceptent de telles conditions, c'est parce que ces dernières suscitent l'espoir d'une reconnaissance sociale qui a pu faire défaut dans leur parcours de vie.
Tout en violant les lois régissant les activités économiques, les travailleurs au noir tendent à se conformer aux normes de l'employabilité valorisées par l'organisation contemporaine du travail. Les pratiques non déclarées au fisc et aux assurances sociales confèrent certainement une estime sociale à ceux qui y recourent en ce qu'elles améliorent leur performance sur le marché du travail. Toutefois, en opérant dans l'illégalité, et en absence de protections sociales, ces personnes s'exposent non seulement à des sanctions pénales, mais également à une plus grande vulnérabilité. La reconnaissance sociale espérée à travers une activité dissimulée s'avère donc bien souvent un leurre, car elle ne s'accompagne pas des conditions légales et matérielles aptes à garantir un épanouissement, ni au travail ni dans la sphère privée.