Le destin des Comtes de Bretagne (ou Eudonides), branche cadette de la dynastie ducale des comtes de Rennes, conduit à s’interroger sur l’unité politique et juridique de la Bretagne de l’an mil à l’intégration de cette principauté dans l’ordre capétien au début du XIIIe siècle. À l’instar de celle du royaume de France, une unité politique ne fut guère possible tant que les forces centrifuges l’emportaient sur les éléments de réassociations. En l’occurrence, la rivalité qui opposa les Eudonides à la dynastie ducale dès le second XIe siècle ne fut définitiviment réglée que par Philippe Auguste qui permit à un duc capétien désormais incontesté de construire une « identité » bretonne autour de sa maison. Ce serait cependant à tort que l’on considèrerait la Bretagne traverser aux XIe-XIIe siècles une période d’anarchie : les lignages comtaux surent globalement conserver le contrôle de leurs ressorts respectifs face aux velléités d’indépendance des châtelains. Dominant les comtés de Guingamp et de Lamballe en Bretagne nord soit les territoires du Trégor, du Goëlo, de Penthièvre et celui de Richmond outre-Manche, les Eudonides offrent l’image d’une noblesse de Bretagne étroitement liée à celle des principautés et royaumes voisins. Cette interdépendance de la noblesse d’Occident interdit d’opposer une Bretagne méridionale, proche de la Loire, supposée « ouverte aux influences extérieures », et une Bretagne septentrionale considérée comme « davantage refermée sur elle-même ». Outre l’implication des Eudonides dans les grandes affaires politiques de l’Occident chrétien, l’émergence des comtés de Guingamp, Lamballe et Richmond n’est pas sans rappeler celle d’autres « comtés castraux » en Normandie, Flandre ou au sud de la France. De même, les pratiques successorales des Eudonides témoignent d’un « esprit communautaire » observable dans bien d’autres hauts lignages du royaume.