La poésie n'est plus ce qu'elle était.
Traditionnellement corsetée de contraintes et d'interdits, elle devait tant bien que mal et bon gré mal gré, pour être entendue, en passer par les inflexibles fourches caudines du signifiant-Mètre et de ses arts poétiques: instrument du transcendant Verbe et moule unidimensionnel de la Parole communautaire, prédéterminée et comminatoire. Retrait de la Transcendance et montée en puissance de la subjectivité individuée lui infligèrent le vertige de l'indétermination et de l'absolue singularité, marquées à divers titres du sceau de la lettre, élémentaire et protéiforme signifiant: modernement autonomisée au risque d'une atomisation des formes et des discours, et d'une radicalisation du côté de l'incommunicable.
Bien sûr, dira-t-on, il s'agit là d'expériences-limites.
Mais elles contribuent fortement, et irrémédiablement, à redistribuer les cartes et à réinventer les règles d'un jeu immémorial, celui de l'homme dans le monde et dans la langue, et à en ajouter de nouvelles indéfiniment: dérèglement systématique, perpétuelles redéfinitions de la poésie, de ses fonctions et, à travers elle, du langage et des siennes...
J.-P. B.