Si Ulysses S. Grant est demeuré profondément ancré dans la mémoire collective, c'est bien plus au titre de général en chef de I'Union victorieuse en 1865 qu'à celui de président américain de 1869 à 1877. Et pourtant, à l'inverse d'un Robert E. Lee, vaincu magnifique devenu l'icône du Sud, Ulysses S. Grant n'a joui, ni alors ni aujourd'hui, de l'aura inaltérée du héros national qu'aurait pu et sans doute dû mériter son rôle.
L'homme né, à l'Instar de Lincoln, dans une modeste masure de bois, ballotté par la vie comme peu d'autres, à la personnalité à la fois ordinaire et extraordinaire, ne se livre que par ses actes et échappe à tout archétype creux. Il faut suivre « ses » vies, celles de l'enfant timide et effacé de l'Ohio, du fermier malhabile du Missouri, de l'employé obscur de l'Illinois. Mais aussi celles du cavalier émérite de West Point, du soldat courageux du Mexique, du reconstructeur de l'Union, étoile du Nord et Némésis du Sud. Et que dire du fiancé transi, du mari fidèle et père aimant, de l'ami indéfectible quand s'oppose à lui le Grant indolent, dépressif et alcoolique ?
Naviguant entre les plus sombres doutes de l'échec et les plus glorieux sommets du succès, entre la notoriété héroïque et les tréfonds de l'opprobre, le destin d'exception du général Grant constitue une trace profonde et unique dans l'histoire des États-Unis, dont il incarne la destinée singulière.