Avec Un amour qui s'étiole, René Vázquez Díaz achève superbement sa
trilogie consacrée à Cuba, et confirme sa capacité à créer des personnages et des
situations inoubliables.
Des femmes rebelles, indomptables, délicieuses. Des chats étranges descendant
tout droit d'une lignée humaine. Des homosexuels libertaires défendant leur
propre espace. Des déments qui portent en eux l'imaginaire de la mémoire
collective cubaine. Le jeune héros de ce roman est un individualiste forcené,
dangereux, affairé et fourbe... Mais il est aussi douloureusement lucide, vulnérable
et sensuel jusqu'à la délicatesse. Sa recherche est celle du désespéré qui
veut trouver une image qui rende impossible l'oubli ; son image est celle de
celui qui doute de tout, y compris de ses propres qualités. Oracio n'accepte pas
les vérités absolues ni les mensonges relatifs. Son malheur est de vouloir tuer son
père et d'aimer toutes les femmes.
En un mot, il est fou.
Mais dans sa belle folie palpitent les rêves, la nostalgie, l'extravagance, les frustrations
et le charme du malheureux mais admirable peuple cubain.
Avec une langue imaginative et raffinée, mais à la fois violente et osée, Vázquez
Díaz tisse définitivement les fils littéraires de L'ère imaginaire et de L'Île du
Cundeamor, et nous entraîne dans un labyrinthe d'intrigues mystérieuses qui
dissimulent toujours le double sens - et le dénouement inattendu - des images
d'une portée universelle : les contradictions entre l'individu et la collectivité, la
fugacité de toute entreprise humaine, l'angoisse d'être ce que l'on est et pas
autre chose, le courant inexorable de l'Histoire entraînant les peuples, et, le marquant
totalement de son empreinte de jouissance et de douleur, les possibilités
(ou l'impossibilité) de l'amour. On a écrit que René Vázquez Díaz est «un loup
solitaire, réfugié dans le nord de l'Europe».