Un ballet de lépreux
Un homme habite seul une pension à Montréal où son amie Marylin vient régulièrement dans sa chambre exiguë lui faire l'amour et déclamer des poèmes. À la suite de l'appel téléphonique d'un inconnu, il est amené à accueillir son grand-père arrivé de New York, qu'il ne connaissait pas, mais dont la ressemblance avec son père est indéniable. Le vieil homme, à l'accent épais, se montre facétieux, caractériel, malpoli, agressif, imprévisible. Il entame une histoire débridée avec la logeuse de la pension. Mais le narrateur éprouve immédiatement un véritable attachement pour lui. Dans le même temps, il promet le mariage à Marylin puis, avec cruauté, se dédie.
Retourné chercher à la gare la valise égarée de son grand-père, notre héros surprend l'employé du service des réclamations, au visage difforme, en délicate posture ; il va alors harceler cet individu, et l'humilier en devenant, par pure perversité, l'amant de sa femme. Et tout à coup, une question l'assaille : l'homme venu bousculer sa vie est-il vraiment son grand-père ?
En dix-sept chapitres denses, Leonard Cohen réussit un bref roman en forme de fable kafkaïenne, dans un décor qui fait penser à certains romans de Bernard Malamud ou de Saul Bellow. C'est en fait surtout une voix singulière, qui a déjà tout pour s'imposer. Un bonheur de lecture, tout comme les nouvelles qui accompagnent cette édition posthume et bénie.