Enfant pendant la guerre mais de santé fragile, le narrateur-auteur de ce livre échappe à l'armée et poursuit ses études. Devenu adulte, il incarne la chance plus ou moins confortable de ne pas avoir été l'acteur ou le témoin du pire. D'où quelques pointes d'absurde et d'ironie dans ses récits. Contemplatif, il se souvient de Tokyo : les incendies, les déménagements incessants, les expéditions en campagne pour trouver du riz, les usines de ses frères, où il travaillait adolescent en alternance avec l'école, les attirances pour les poissons rouges que chacun élevait en gage de protection face à la mort. Mais les dix nouvelles qui composent ce recueil ne s'inscrivent jamais sous le signe de la terreur, tant le narrateur lui préfère l'événement furtif du souvenir, telle l'image de ce bimoteur de combat par le hublot duquel, enfant, il a aperçu les visages de deux jeunes soldats américains...
Maître du regard poétique posé sur son pays traversé par les guerres, malmené par les incidents climatiques ou sismiques, Yoshimura excelle dans l'art de dire l'émotion humaine, sa sensibilité mais aussi son énergie vitale face à l'inévitable. Empreinte de réminiscences et d'étrangeté, toujours à distance du pathos, sa langue est d'une puissance peu commune.