Un griot en Provence
« Après le café, discrètement, je me hâtai vers la gare pour reprendre le premier train pour le Midi, sûr cette fois de ne plus jamais en partir, quitte à exercer tous les métiers. Le paysage défilait en sens inverse. Je roulais vers le printemps, je roulais vers la vraie vie. Tout tournait dans ma tête à un rythme accéléré. La force physique de Baptiste, la main verte de Marcellin, les connaissances d'Alice, je les portais en moi en ce jour plus fortement que jamais. Félibre, comme j'aurais aimé mériter ce titre pour m'identifier au plus près à ma Provence. Mais le mot avait été si terni et empoussiéré aux dires de Sylvie que je n'osais plus m'y accrocher.
C'est alors que j'eus l'impression que l'on me soufflait quelque chose à l'oreille. Griot, mais oui Moussa tu as raison. Je pourrais être le griot de la Provence. Comme dans les anciens royaumes d'Afrique, appartenir à ce groupe de poètes, de musiciens, de sorciers qui relient l'homme à sa tribu, à sa terre, mais aussi au ciel et au cosmos. Seulement, chez nous ça n'existe pas. Il n'y a pas d'école de griot. Il n'y a rien d'équivalent. Eh bien ! Je serai un griot à ma manière. J'inventerai. Je m'inventerai. Cette fois mon retour avait trouvé sa totale signification. »