Comment comprendre la mondialisation qui est désormais le référent de toute
pensée responsable ? S'agit-il d'un événement sans précédent qui contraint à
repenser l'espace et le temps de l'action humaine et la construction de notre
monde ? Est-elle plutôt une nouvelle période dans l'histoire de l'économie-monde
régi par le mode de production capitaliste qui se reproduit ainsi selon son impératif
systémique, mais sous des formes nouvelles ? Quelles sont ces formes économiques,
sociales, politiques, culturelles ? Comment penser le rapport entre l'hégémonie
exercée par la direction stratégique des entreprises transnationales et les réformes
du procès de travail par la nouvelle technologie sociale des communications ?
Quelles sont les conséquences de la financiarisation d'une économie qui fait de la
force de travail internationalisée non pas tant un salariat qu'un précariat ? Que faire
de la production d'un apartheid mondial qui transforme des masses d'hommes en
humanité superflue ? Comment interpréter la généralisation d'une culture de l'infini
d'une consommation solvable radicalisant le désir de consommer et effaçant la
citoyenneté ? La démocratie représentative peut-elle surmonter sa crise qui en fait un
régime autoréférentiel excluant la prise en compte des besoins et des aspirations à
la transformation ? La promesse d'une démocratie cosmopolitique est-elle tenable ?
Que devient l'Etat-Nation et quelles sont ses fonctions nouvelles ? La guerre globale
imposée par l'Empire américain qui s'érige en peuple élu est-elle un destin ouvrant
sur un conflit des civilisations ? Comment penser les rapports entre un universalisme
qui est menacé de devenir impérial et des différences socio-culturelles qui sont
menacées de s'enfermer dans leur propre exclusivisme ?
Ces questions culminent dans une interrogation cruciale : le monde de la
mondialisation est-il encore un monde abritant la possibilité ontologique de l'être en
commun, d'un sens commun, d'une volonté commune, d'un bien commun qui ne peut
se réduire au partage de règles de procédures ? N'est-il pas menacé par sa propre
dynamique de production pour la production de s'abîmer dans le non monde ? Les
promesses du néo-libéralisme comme celles du libéralisme social sont démenties
cruellement. La philosophie est mise au défi de la nouvelle question cosmologique qui
est tout à la fois ontologique et éthico-politique. Les catégories d'Histoire, de Monde,
d'Action sont à repenser depuis ce point de vue qui est aussi celui des masses
désassimilées et ségrégées par le moloch du capitalisme mondialisé.