Au cours de l'été 1325, une commission d'enquête est
envoyée par le pape Jean XXII dans cinq villes de la Marche
d'Ancône. Pendant trois mois, elle recueille les témoignages
d'hommes et de femmes sur les qualités extraordinaires et les
miracles qu'aurait accomplis un ermite de Saint-Augustin,
Nicolas de Tolentino (mort en 1305), en vue de sa canonisation.
371 dépositions ont été consignées dans un long procès-verbal
dont nous avons conservé deux manuscrits. Cette
«trace de l'histoire» est au centre de ce livre. L'objet n'est
pas le saint, ni la sainteté, ni le culte, ni les croyances, mais une
société produite par une source et par un historien. Afin de
saisir cette réalité dynamique et mouvante, est adoptée ici
une démarche pragmatique qui tente de concilier approche
macro-historique et micro-historique.
Élargissant d'abord la focale pour ne rien perdre du
contexte de production, l'auteur montre comment on obtient
une bulle autorisant l'ouverture d'un procès de canonisation
et comment on fabrique un saint. Puis, se dirigeant progressivement
vers la source, il s'interroge pour savoir comment elle
a été produite et de quoi elle est composée. Enfin, la focale
resserrée sur la seule réalité dont on dispose, il étudie minutieusement
cette «société du procès» à partir de témoignages
oraux consignés par écrit, en montrant comment les rapports
sociaux s'inscrivent dans un espace donné et en dévoilant les
procédés par lesquels s'exprime la domination sociale.
Avec ce travail de déconstruction radicale et ce jeu d'échelles,
Didier Lett nous propose un remarquable essai d'histoire
sociale.