Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les communautés juives
de France, celles qui ont échappé au nazisme et à ses collaborateurs, sont
blessées au point qu'on peut craindre pour l'avenir même de la pensée
juive. Quelques hommes, parmi lesquels Emmanuel Levinas, André Neher
et Léon Askénazi, s'attellent à une reconstruction qui passe aussi par la
culture et l'éducation. Stéphane Mosès, né en 1931 à Berlin, devenu
élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, rejoint bientôt ces
jeunes gens qui se consacrent à la découverte de la pensée juive, dont
lui-même ne connaît presque rien. En 1961, il est appelé à diriger la
fameuse École d'Orsay d'où sortiront nombre de responsables du
judaïsme français d'après-guerre. Installé en Israël au lendemain de la
guerre des Six-Jours, il enseignera jusqu'en 1998 à l'Université hébraïque
de Jérusalem. Auteur d'une oeuvre abondante, il publiera, en 1982,
Système et Révélation, un ouvrage majeur consacré à la philosophie de
Franz Rosenzweig qui le fera connaître dans les milieux philosophiques
français et allemands.
Stéphane Mosès militait pour une philosophie du courage et de l'espérance.
Les entretiens qui ont servi de base à cette saisissante autobiographie intellectuelle
ont été conduits à son domicile. Il leur accordait une grande
importance, comme s'il s'agissait, pour lui, d'un ultime message formulé à
la veille de sa mort : l'illustration d'un retour exigeant au judaïsme.