De l'oeuvre très riche de Bernard Mandeville, la postérité
n'a guère retenu que la très controversée Fable des abeilles,
qui lui vaut encore aujourd'hui de passer pour l'apôtre
du libéralisme le plus cynique. Son Traité des passions
hypocondriaques et hystériques, seul ouvrage médical
de ce médecin philosophe, fait partie de ses oeuvres les
moins connues en Grande-Bretagne comme en France.
Il mérite cependant d'être lu à plus d'un titre, car
Mandeville y fait entendre un discours pragmatique
étonnamment moderne sur la relation entre le malade
et le patient. La parole et le récit de soi sont au centre
du processus de guérison, et annoncent la cure par la
parole théorisée par la psychanalyse. La forme du dialogue
n'y est pas une simple stratégie didactique, elle est le
véhicule de la cure et la cure elle-même.
Le Traité de Mandeville s'inscrit également dans une
tradition de réflexion sur la mélancolie qui remonte à
l'antiquité mais qui affirme son actualité au XVIIe siècle
avec la parution de l'oeuvre majeure de Robert Burton
(The Anatomy of Melancholy) en 1621, et devient ce «mal
anglais» que décrira George Cheyne un siècle plus tard
(The English Malady), en 1733, soit trois ans seulement
après la seconde édition révisée et augmentée du Traité
de Mandeville.