Une exploration de la grande pauvreté
au XXe siècle et à l'aube du XXIe permet
de rendre compte à la fois de constantes
et d'évolutions. Le progrès économique
et social comme les thérapeutiques
de lutte ont fait régresser certaines
pathologies. La vieillesse et l'infirmité
ne sont plus synonymes de chute
automatique dans la trappe de la
grande pauvreté. Le chômage est mieux indemnisé, et la perte
de l'emploi n'implique plus une pauvreté quasi automatique.
Il faut cependant nuancer fortement le propos. Dans tous les
pays où le chômage progresse, la France en premier lieu, la
nécessité de secours augmente corrélativement. Le chômage
fabrique bien de la misère et entraîne l'exclusion. La disparition
des vieillards des routes du vagabondage a fait place à l'irruption
de jeunes qui ne réussissent pas à s'intégrer. Le nombre de
familles monoparentales économiquement fragiles augmente.
Dans ses formes extrêmes, notamment avec la montée des sans-papiers,
l'immigration suscite la pauvreté.
On le voit, ce monde comporte une multitude de catégories qu'il
est difficile d'agréger sur les plans social et culturel. Dans une
société où le travail reste une valeur centrale et le fondement du
revenu, les mentalités sont-elles prêtes à tolérer cette masse de
«gens de rien» perçus comme «inutiles au monde» ?