J'ai passé le portail bleu de la Maison pour la première
fois en novembre 2000. L'établissement accueille des
malades en fin de vie - malades du sida principalement,
mais aussi du cancer, victimes de la sclérose latérale
amyotrophique, de la maladie de Creutzfeldt-Jakob...
Sept mois de rencontres avec l'équipe soignante, les
bénévoles, les familles, les malades m'ont amené littéralement
«au bord du monde» : la terre est ronde, avons-nous
appris, mais à l'heure de quitter la vie elle redevient,
pour chacun de nous, ce disque plat imaginé par les
Anciens et aux limites duquel nous nous tenons, le coeur
assombri, le corps épuisé, l'âme inquiète.
J'ai simplement tenté de rendre témoignage de ce que
j'avais vu : la délicatesse des gestes et la qualité de l'attention,
la violence du temps qui passe trop vite, la solitude
de la nuit, l'éclat de rire d'un moment, les mots hachés,
les cris parfois, un regard qui se pose et où tout se
suspend, le souffle qui s'en va...
A. A.