«Rien que du boulot et encore du boulot, la voilà sa vie, à partir
de ses onze ans quand sa mère est morte et qu'elle s'est retrouvée
seule avec une ribambelle de frères à s'occuper. Le père, il était parti
à la guerre et au bout d'un an, c'était l'été, la mère a attrapé la fièvre
typhoïde, ou le typhus, bref elle a attrapé une belle saloperie et elle
en est morte, la pauvre. Et Sile, le plus petit, il est mort aussi, vu que
personne y donnait plus le sein, et puis ç'a été le tour des jumeaux,
mais Ilie et Niculae et elle, ils s'en sont tirés, ils étaient plus grands,
et Dieu leur a prêté vie.»
À plus de soixante-dix ans, Vica se souvient... Et plus de soixante-dix
ans d'histoire roumaine défilent, vus par ses yeux, et à travers son
franc-parler savoureux de femme du peuple, auquel fait contrepoint
toute une galerie de personnages. Dans cette polyphonie de voix,
alternent le grave et le comique, la tendresse et l'humour, et le monde
se dissout et se recompose à chaque page, tel un kaléidoscope.