La France et l'Angleterre, éternelles ennemies... Des guerres du Roi-Soleil au Blocus napoléonien, le stéréotype a la vie dure. L'antagonisme entre les deux pays semble renforcé par une barrière naturelle : la Manche. En mettant au cœur de la réflexion cette frontière maritime, qui n'est pas seulement donnée par la géographie mais bien construite par l'histoire, ce livre propose une autre interprétation des relations franco-anglaises sur la longue durée. Alternativement décrite comme un fossé ou une passerelle, la Manche est à la fois l'une et l'autre, selon les points de vue. Les théologiens voient dans son étroitesse le fruit de la providence divine, qui a ainsi rapproché les Gaulois et les Bretons. Ce qui n'empêche pas Louis XIV d'ordonner aux cartographes, aux ambassadeurs et aux amiraux de parler de la « Mer de France », refusant avec véhémence l'appellation d'« English Channel ». Du XVIIe siècle à la Révolution française, alors que grandit la rivalité économique et militaire entre les deux états, le Channel devient une frontière internationale. Des fortifications sont construites, des barrières douanières érigées, des passeports exigés des voyageurs. Mais cette frontière n'est jamais imperméable : en temps de paix comme en temps de guerre, des milliers d'individus, voyageurs, contrebandiers, marchands, pêcheurs, fraternisent ou commercent avec « l'ennemi » stigmatisé dans la propagande. Au-delà du discours traditionnel sur la haine francoanglaise, les pratiques quotidiennes des populations montrent l'ambivalence et la richesse des attitudes. Au fil d'une étude qui mêle histoire politique, économique et culturelle, c'est finalement la notion même d'identité nationale qui est ici remise en question.