Dans le Mexique indien, les ténèbres sont le théâtre d'expériences sensorielles violentes. Les humains y sont confrontés au retour des ancêtres, à la résurgence de forces inquiétantes. Elles suscitent des « visions », rencontres fugaces avec ces entités venant saturer tant le monde sauvage que l'espace domestique, envahissant les rêves et le sommeil.
Chez les Otomi orientaux, la nuit appartient au féminin, « ce qui épouvante ». En conséquence, le chamane, « celui qui sait », découpe patiemment des cohortes d'idolos, représentant les « maîtres du grand noir » et leurs assistants, afin de négocier avec ces prédateurs de fragiles armistices, capables d'endiguer tous les crimes rituels qui menacent les humains. Ils font de la nuit un véritable laboratoire de recréation du vivant, et des Otomi les penseurs d'une étourdissante philosophie de l'obscurité.