« Des milliers d'images me passent par la tête : des manifestations, des défilés mobilisant des centaines de milliers de participants recrutés au sein de toutes les classes sociales, qui arpentent les rues, joyeux et d'excellente humeur. Ensuite, ce sont des cortèges funèbres. Et un grand pays foulé aux pieds, enseveli sous les épluchures de graines de tournesol et pataugeant dedans. »
Polonais enrôlé dans l'armée tsariste en tant que sujet de l'empire russe, Zusman Segalowicz assiste dès 1916 à la débandade des troupes russes, puis aux journées grisantes et sanglantes de la révolution de février et du coup d'Etat d'octobre. Ballotté de Petrograd à Moscou, de Kiev à la Crimée, et dans des shtetls le long de la frontière indécise entre Russie et Pologne, il décrit les bouleversements auxquels il assiste sans préjugés ni parti pris, s'intéressant avant tout aux détails humains et aux faits bruts.
Mais c'est avant tout au regard d'un poète que nous avons à faire ici, un poète sensible autant au tragique des souffrances humaines qu'à la cocasserie de certaines situations.