Marguerite Yourcenar
« Une volonté sans fléchissement »
Correspondance 1957-1960
(D'Hadrien à Zénon, II)
« Une attention perpétuellement en éveil, une volonté sans fléchissement », dit la lettre du 8 janvier 1957 à Henri Godard. Ces vertus que Marguerite Yourcenar attribue à l'Hadrianus imperator sont aussi les siennes dans sa correspondance des années 1957-1960. Quelque trois cent cinquante lettres, la plupart écrites de Petite Plaisance, la petite maison du Maine ; le reste au gré des voyages : Canada, Italie, Espagne, Portugal. Partout, cependant, c'est le souci de l'oeuvre qui domine, qu'il faut poursuivre et peaufiner : la correspondance de Marguerite Yourcenar ressortit au journal d'écrivain.
Mais l'écrivain n'entend se laisser dicter sa conduite par personne ; et surtout pas par le succès. Tandis qu'Hadrien s'éloigne, Marguerite Yourcenar se détourne en apparence de ce genre romanesque qui a fait sa notoriété : elle multiplie les essais les plus divers, assure leur diffusion, poursuit ses traductions de poètes grecs anciens ou modernes, s'attelle à une transposition française de negro spiritual. En même temps, elle multiplie les conférences, réagit aux livres qu'on lui envoie, confie ce qu'elle retient de ses lectures, prodigue ses conseils à de jeunes écrivains - entre en conflit avec tel de ses éditeurs -, se révèle européenne avant la lettre. D'une autre, on crierait à la dispersion : elle au contraire s'affermit en tout.
D'autant qu'en elle Zénon a repris son errance : L'Oeuvre au Noir mûrit lentement. Et commence à se rassembler la documentation de l'oeuvre ultime : ce Labyrinthe du monde où se développera la chronique romancée des lignées familiales.
Une volonté perpétuellement en éveil, une attention sans fléchissement...