Unique, tel au féminin, tel au masculin, est le souhait Unicae Unica de Jules Roy, qui nous porte dans ces pages de lettre en lettre, d'année en année. Des mots, des sentiments, des vies, des instantanés, avec les interrogations domestiques, les petits riens qui font une vie belle ou empoisonnante. Ces faits qui marquent et coulent à la rigole de la plume nous sont offerts comme une page d'écriture ou encore une maison à entretenir, une correspondance à tenir, l'empreinte du temps, l'errance d'un parcours, les angoisses de l'écrit, l'avant difficile d'un livre à faire naître et toutes ces pensées qui obsèdent l'esprit de celui qui écrit et qui pourtant espère convaincre, de sa force littéraire, tous les lecteurs. Et Jules Roy écrit et dit, et Tatiana, qui n'est pas un réceptacle, ni de ses plaintes, ni de ses joies, ni de son succès, ni de ses douleurs, devient un miroir à double face, qui renvoie à son mari son état d'écrivaine, la naissance de mots faisant oeuvre pour la littérature. Nous lirons les dépenses et ses angoisses, le train de vie, la maison à entretenir de la ville, qui est désuète et surannée, et à celle à la campagne, champêtre, à laquelle on doit garder sa magie de rêverie. Toutes ces obsessions, comme une misère sur cette quête de reconnaissance, sur ces mots à inscrire, comme pour marquer le respect que l'on porte à l'autre, comme si on prenait soin de sa propre personne.
Nous courons d'une page à l'autre et nous écoutons, attentifs, le bruissement des petites plaies qui ourlent la douleur mais aussi ces grands moments d'échanges poétiques. Nous recevons, comme une vérité, que rien n'est commun à une femme et à un homme qui, uniquement perçoivent et fréquentent l'extraordinaire. Dans cette vie de l'ordinaire, un grand écrivain et une poète nous rendent, par cette correspondance, à coups de mots, la grandeur magnifique de l'art d'écrire l'imaginaire. Même en vacances, tout peut rester extraordinaire, sauf l'ennui. Tel serait le proverbe de ces pages.