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C’est à Montmartre que se révèle dans les années 1910 le talent de Maurice Utrillo. La Butte est peuplée d’artistes en tout genre, qu’Utrillo ou sa mère, la peintre Suzanne Valadon, fréquentent. D’un naturel peu loquace et compulsif, Utrillo est fragile psychologiquement. Sombrant très jeune dans l’alcoolisme, il ne jure que par son « rouge » et, à défaut, ingurgite tout ce qui lui passe sous la main, jusqu’au parfum de sa logeuse ou de l’alcool à brûler. L’ivresse le rend bagarreur, et il finit régulièrement au poste de police où il dessine des toiles pour les agents en échange d’un dernier verre. « Jamais peintre n’a compté plus que celui-ci d’amateurs d’art parmi les flics », nous dit Carco. Derrière le farceur qui tire les cheveux des bonnes sœurs sortant du Sacré-Cœur, il y un grand artiste. Celui qui fait chanter Paris sur ses toiles. Celui qui, reconnu pour sa prestesse et sa minutie, fut d’abord influencé par les impressionnistes avant d’inventer son style propre. Il sera le « peintre de Montmartre ». Francis Carco, le grand montmartrois et le célèbre auteur de Jésus-la-Caille, qui lui rend visite jusque dans ses internements à Picpus ou Sainte-Anne, nous livre le récit touchant de ce peintre, ami de Modigliani et de tant d’autres, amoureux de Montmartre et de la bouteille, et soldant ses dépenses par des chefs-d’œuvre dont les Parisiens apprécient progressivement la valeur : « J’ai connu des bistrots qui, sachant qu’Utrillo pouvait faire irruption chez eux à n’importe quelle heure, possédaient dans leur arrière-salle des tubes, des pinceaux et des cartes postales qu’ils tenaient en réserve pour lui. » Voici le peintre et l’homme, en faiblesse et le génie. « La voilà, la jolie vigne », chantait Aristide Bruant, témoignant de ce que la Butte est avant tout un pays d’artistes… et de vin !