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On connaît l'hypothèse qu'Alain Peyrefitte a magistralement développée dans La Société de confiance. La croissance n'est pas d'abord fondée sur la richesse matérielle des nations, qu'il s'agisse des ressources naturelles, du climat, du capital ou même du travail. Elle est directement liée aux mentalités et aux comportements, et prioritairement à ce qu'Alain Peyrefitte a nommé l'"éthos de confiance" - disposition de l'esprit qui privilégie l'innovation, la responsabilité et la compétitivité. On le sait, l'histoire de l'Europe occidentale des XVe au XVIIIe siècles illustre de façon particulièrement pertinente cette thèse. Le propos d'Alain Peyrefitte méritait cependant une plus ample démonstration. C'est pourquoi il fait ici l'objet de controverses passionnées entre d'éminents spécialistes. Raymond Boudon revient sur le rôle que le protestantisme a joué dans l'émergence de l'"éthos de confiance" et analyse le travail que Max Weber a consacré à cette question. Pierre Chaunu s'intéresse au fondement ontologique de la notion de confiance : selon lui, c'est l'émergence de l'idée de transcendance, née avec Moïse aux pieds du Sinaï, qui rend possible celle de liberté. Jean Delumeau s'attache, pour sa part, réconcilier les notions de millénarisme et de modernité. Le débat s'élargit également à d'autres horizons. Ainsi, par exemple, le Japon fait l'objet d'un traitement à part, qui propose un paradoxe intéressant : en tant que premier pays non occidental à entrer dans l'ère du progrés, il construit un modèle différent de la modernité. On aura plaisir et profit à lire ce livre qui contient de nombreuses autres interventions (René Pomeau, Shmuel Eisenstadt, Tsehuri Hara, Seymour Martin Lipset, François Caron, Alain Touraine...) et qui renvoie à des questions finalement très actuelles. Car, dans ce débat que la nation française mène aujourd'hui avec elle-même, on oublie trop souvent que la variable essentielle est précisément le développement. Or celui-ci ne se décrète pas ; il se construit grâce l'établissement de relations plus actives et plus efficaces entre les acteurs d'une société. Colloque international à l'Institut de France dirigé par Raymond Boudon et Pierre Chaunu