La montée de l'intolérance, entre le IIIe et le VIe siècle dans l'Empire romain, n'est pas un phénomène surprenant. Une série de développements interdépendants, qui s'inscrivent dans la longue durée, en sont à l'origine. Le présent ouvrage intègre et analyse dans un schéma narratif les thématiques du prosélytisme et de la persécution ; de la centralisation du pouvoir séculaire et de son alliance de plus en plus intime avec le domaine religieux ; de l'orthodoxie doctrinale et de l'hérésie ; de la polémique interne et externe des communautés scripturaires ; de la censure subtile ou brutale et, finalement, de « la nouvelle histoire », c'est-à-dire de la réécriture de l'histoire universelle en termes religieux. Imbriqués les uns dans les autres, ces développements ont une relation sinon causale, au moins dialectique, avec la présence, d'abord incidente, puis endémique, de l'intolérance (avec son corollaire plus concret de la violence) dans l'Empire romain.
Tous ces phénomènes, déclenchés dans une société pluraliste par l'arrivée d'un nombre croissant d'hommes et de femmes revendiquant le monopole de la vérité théologique et résolus à répandre cette vérité par une démarche missionnaire, sont fortement corrélés et se trouvent à la base d'un nouveau modèle sociétal : celui de la communauté religieuse. Dans le vase clos qu'on a pris l'habitude de nommer l'« Antiquité tardive », s'effectue le passage d'une société organisée à la mesure de l'Homme à une autre bâtie pour la plus grande gloire de Dieu.