La sortie des « temps noirs » ne signifie pas, pour Henri Pourrat et Alexandre Vialatte, la fin des difficultés - bien au contraire. Les deux amis maintiennent le rythme élevé de leur correspondance : de 1947 à 1951, ils s'échangent quelque cent quatre-vingts lettres et cartes postales. Tout en menant à bien des ouvrages très divers, Pourrat se consacre de plus en plus au Trésor des Contes, pour lequel il aura à sa mort (1959) collecté et réécrit plus de mille contes. Vialatte, quant à lui, écrit (1947-1949) puis réécrit (1949-1951) son oeuvre majeure : Les Fruits du Congo. Son ami l'exhorte constamment à finir son roman et à cesser de le faire reculer à l'horizon comme un mirage inaccessible.
L'édition française étant en crise grave, l'un et l'autre rencontrent les pires difficultés pour se faire publier ; ils supportent mal que les interminables discussions avec leurs éditeurs empiètent sur le temps de l'écriture.
Cependant, Pourrat, qui avait obtenu le Goncourt en 1941 pour Vent de Mars reçoit en 1951 le prix Louis Barthou de l'Académie Française pour l'ensemble de son oeuvre. Vialatte obtient le prix Veillon pour Les Fruits du Congo à sa deuxième tentative en février 1950. Jusqu'à la publication chez Gallimard en septembre 1951, il retravaille constamment son volume, le modifie, le raccourcit. Il manque toutefois le Goncourt 1951 décerné à Julien Gracq pour Le Rivage des Syrtes.
Ainsi s'achève pour Vialatte l'ère des fictions commencée dans les années 1920 ; trente ans plus tard, il a enfin réussi à écrire le roman-somme dont le mirage le hantait depuis sa jeunesse.