Que peut-être et que peut faire la philosophie ? Dès qu'il réfléchit sur son existence, il semble que le philosophe ne puisse dire «je suis», ou «la philosophie existe». Si celle-ci doit être, elle ne peut être, en opposition avec toute forme d'esclavage, qu'au nom d'une liberté ou d'une distance originelle qui est celle de la pensée elle-même. Mais quelle différence y a-t-il entre penser et connaître, entendu de nos jours comme travail du savoir ? Si la philosophie n'a pas de domaine particulier, si son «objet» se confond avec l'être du monde, comment penser le monde concret, celui des choses certes, mais aussi le monde de l'histoire ? or le monde de l'histoire est indissociable du mal innombrable qui s'y produit, comment le philosophe réagit-il à l'horrible de notre plus récente histoire ? En quel sens, pour lui, l'horrible et le banal se rejoignent-ils ? En quel sens, et sous quelle forme, la philosophie, qui est née d'une exigence de liberté, devrait-elle contribuer à une tâche universelle de libération ?