Vertige
Dans les histoires de Joanna Walsh, les femmes observent leur vie avec la lucidité réjouissante de ceux qui voient dans la trivialité la matière inépuisable de récits édifiants. Elles dissèquent méticuleusement tout ensemble le quotidien et leur intimité, sans négliger d'épingler au passage le ridicule d'une mère, d'un amant ou d'un voisin de table. S'éprouvant le plus souvent comme des étrangères ou des êtres déplacés, elles n'en parviennent pas moins, de nouvelle en nouvelle, à fabriquer l'étoffe d'une existence. « J'ai replié ma vie sur elle-même, sept fois », dit une de ces femmes. « J'ai été surprise qu'elle soit si volumineuse. » Et c'est la même surprise que procure la lecture de ces textes comme repliés sur eux-mêmes. Leur écriture, volontiers répétitive, qui dit le ressasse- ment et la rumination, creuse aussi patiemment son sillon et fait entendre une voix tout à fait insolite.