Depuis le dix-huitième siècle, les philosophes français ont généralement cessé de disputer de musique, et Marcel Beaufils, tout près de nous, devait occuper une position unique, partagée avec Vladimir Jankélévitch. Philosophe, il le fut, mais plus encore poète, esthéticien, musicologue, en toutes choses amoureux émerveillé de son sujet. Il entretenait des rapports très cordiaux avec Villa-Lobos qu'il avait rencontré dans les années vingt. Arrivant à Rio en 1953, Marcel Beaufils fit preuve de sa perspicacité coutumière pour se mettre à observer, à l'écoute de la terre qui avait si fiévreusement inspiré le compositeur. En ethnomusicologue, il présentait quelque parenté avec Claude Lévi-Strauss, mais avec un emballement romantique qui donne tant d'attrait au ruissellement d'impressions qu'il décrit, européen soudainement confronté aux dimensions, à l'effervescence d'un pays neuf à ses yeux. Sa démarche reste précieuse à plus d'un titre. Pour la première fois en France, un ouvrage contient de précieuses notations sur le folklore brésilien, lié à l'histoire, aux traditions des peuples en présence, tandis que les analyses d'œuvres ne sont plus circonscrites aux seules limites techniques, mais aussi sensibles, traversées de notations poétiques, de visions fulgurantes suggérées par les détours capricieux d'un discours musical au contraste permanent. Inimitables, la phrase, le style de Marcel Beaufils participent à un immense brassage d'impressions, déjà sonorités en elles-mêmes, donnant irrésistiblement envie de connaître les œuvres évoquées. Heitor Villa-Lobos était un enchanteur, un montreur de merveilles que Marcel Beaufils tente de nous faire admirer d'un peu plus près.