«Papa et grand-père Miodrag étaient comme les oeufs des poules
que j'allais chercher au fond du poulailler en rentrant de l'école. Ceux
que ma mère faisait cuire avec des oignons et du lait. Au village, on
disait d'eux qu'ils étaient définitivement brouillés à cause d'une
histoire politique. Le vieux était muet depuis la fin de la guerre et,
même s'il avait pu parler, jamais il n'aurait adressé la parole à mon
père. Perché sur sa libellule à moteur, lorsque papa croisait grand-père,
les deux hommes détournaient aussitôt la tête.»
Quel secret le vieux Miodrag va-t-il confier à son petit-fils ?
Comment Philippe Taillebois prépare-t-il son combat contre la blonde
d'en haut ? Pourquoi le cordonnier Simo refuse-t-il de croire que la
guerre qui s'approche peut le toucher, lui qui a fourni l'Armée en
chaussures durant tant d'années ? Et Milovan, par quel malheur perd-il
son pays du jour au lendemain ? Il y a aussi Micha, le garde du parc
régional de Plitsé qui raconte volontiers à ses visiteurs que, pendant la
guerre, il a perdu cinq membres. Et Régis François, le campeur obsédé
par les avocats d'Andalousie, le professeur Bardon, grand amateur de
vin de Bourgueil et de textes de Rabelais, madame Daniela qui, par
temps de guerre, va camper à l'hôtel d'en face, l'empereur romain qui
décide de prendre sa retraite pour aller cultiver son jardin sur les bords
de l'Adriatique...
Pourquoi montent-ils tous au front, quel ressentiment, quelle haine,
quelle vengeance, quel passé meurtri mobilisent ceux qui se battent ?
Les guerres, nos guerres intérieures, nos guerres d'usure sur le terrain
de tueries symboliques ou effectives, nos guerres parfois pathétiques
mais toujours dramatiques... Dix-neuf nouvelles, dix-neuf morceaux
- mais pas forcément de bravoure - sont contenus dans ce recueil qui
dresse, non sans humour, un portrait désabusé du coeur des hommes.
Jusqu'à mettre dans la bouche d'un enfant ce souhait inquiétant :
vivement la guerre !