Que l'on écoute le rare enregistrement d'un castrat. L'imperfection
technique, les signes audibles de sa vétusté ne viennent
qu'ajouter à l'impression produite : un déchirement. Sa voix
monte elle aussi comme une déchirure ; ébréchée, c'est l'entaille
qui nous atteint tant elle nous donne le sentiment de manquer
à chaque instant de se rompre, comme à se couper d'elle-même.
Dès la première note, tout jugement est désarmé et nous
demeurons là, sidérés. Impossible de la détailler telle une forme
offerte à notre contemplation, elle reste insaisissable, non pas
fugace ou évanescente mais trop présente au contraire, dans
sa ténuité même. Le mot manque toujours et c'est nous qui
restons sans voix.