Lorsque Voltaire, brouillé avec Frédéric II, quitte précipitamment
la cour de Prusse en 1753, il est interdit de séjour à Paris. Lui, le dramaturge
favori de la Comédie-Française, l'historien du roi, doit se
réfugier près de Genève, en terre calviniste. C'est là, à soixante ans,
alors qu'il pourrait se retirer et jouir paisiblement de sa gloire, qu'il va
entamer, avec une fougue et une passion d'adolescent, une carrière
nouvelle de combats contre le fanatisme et l'intolérance.
C'est l'histoire de cette lutte acharnée pour les «droits des hommes»
que Ian Davidson conte avec élégance et vivacité. S'appuyant sur la
correspondance et les écrits polémiques de Voltaire, il décrit son engagement
dans les affaires Calas, Sirven et bien d'autres, et analyse son
oeuvre de philosophe des Lumières aux côtés des Encyclopédistes. De
même, il éclaire d'un jour nouveau le souci du patriarche de Ferney
de contribuer au bonheur de ses semblables en propriétaire terrien et en
homme d'affaires attentif. Ce tableau haut en couleur de la vie intime
et publique de Voltaire à Ferney nous montre que ces années d'exil
furent la période la plus active et la plus heureuse du philosophe.
Par une étrange ironie de l'histoire, c'est dans les vingt-cinq dernières
années de sa vie que Voltaire va construire et parfaire l'image
que la postérité retiendra de lui : celle d'un intellectuel avant la lettre
engagé dans les luttes et les controverses les plus vives du XVIIIe siècle
finissant, et non celle du grand poète et dramaturge classique français
qu'il croyait être.