Ossip Mandelstam écrit en 1933 une Épigramme contre Staline.
Plusieurs personnes peuvent en prendre connaissance. Arrêté
en 1934, il est déporté à Voronej, une grande ville sur le Don.
Dès 1935, il commence à écrire les poèmes des Cahiers de
Voronej (demeurés longtemps inédits et publiés après sa mort
par sa femme qui les avaient appris par coeur et sauvés ainsi de
la censure).
Libéré, puis à nouveau arrêté, il meurt en 1938, dans un camp de
transit.
Est ici publié un choix des poèmes des Cahiers de Voronej, avec
les deux poèmes consacrés à Staline (L'épigramme contre Staline
et le Poème à Staline - sans doute une dernière tentative du
poète pour sauver sa vie).
Les poèmes des Cahiers approchent une sorte d'écriture
automatique dans laquelle des phrases semblent sorties d'un
chapeau. Les moments d'écriture, basés sur une sonorité,
s'emboîtent pour former une polysémie imposante.
Peu de poètes ont écrit avec un tel malheur pour mémoire, une
détresse, comme une fatalité du deuil. Les poèmes, donc, cette
mémoire du malheur et de la mort. Au mot à mot.
Après les traductions de Maïakovski, traduire Mandelstam
demeure une confrontation avec ce que la poésie a produit de
plus significatif au XXe siècle.
Henri Deluy